29 avril 2010. Le soleil nous gratifie de quelques rayons et de sa douce chaleur, avec ce petit vent du sud qui promet l'orage ...
Le jardin bourdonne d'abeilles et d'insectes ...
La vie est douce ...
29 avril 1916. Tu viens d'avoir 35 ans. Là-bas, loin de chez toi, de Louise ton épouse, de Maurice et Marcel, tes fils si jeunes encore, tu parcours à pieds les pauvres campagnes de la Meuse...
Descendant d'une longue lignée de laboureurs, à bras ou à bœufs, tu es né à Bouguenais, en "Loire Inférieure", dans une famille de métayers. Tout jeune adolescent tu es parti pensionnaire, puis étudiant, pour devenir enfin instituteur. Tu as épousé Louise, institutrice, et vous avez eu les garçons...
Puis...
Ce 29 avril là...
(photo empruntée à internet)
Faisait-il beau comme aujourd'hui, dans les tranchées de la Meuse ?... Restait-il quelques fleurs dans les champs dévastés ?... Quels oiseaux accompagnaient encore vos chants pour vous donner le courage d'avancer ?...
As-tu seulement eu le temps d'avoir une pensée pour ceux que tu aimais ?... Ce jour là, brave sergent, en défendant ta patrie, tu es parti...
Dans un chaos de fureur et de bruit, un éclat de lumière...
Et, parmi tes semblables, nul jamais n'a su te reconnaître...
Lorsque, enfant, je découvris ton visage au regard doux et inquiet, au mur du bureau de mon grand-père, on me parla si peu, mais vraiment si peu de toi... "Le père de Papy". "Mort à la guerre". Et rien de plus...
Les années ont passé, et puis un jour cette photographie est réapparue, par un chemin que nul n'aurait imaginé... Grâce à une cousine de ta femme Louise...
Plantant mon regard dans le tien, je me promis de recomposer ta famille, tes racines, ces parents, ces frères ou ces sœurs, ces neveux peut-être, et aussi ces grands-parents, et tous ces gens avant eux, dont personne, jamais, n'avait su me parler.
Depuis quelques mois, c'est chose faite. Ta grande et nombreuse famille est là, retrouvée.
Sept générations avant la tienne ! Avec le regret de n'avoir pu disposer d'archives que jusqu'en 1673...
Faire la "connaissance" de tes parents, de ta sœur Marie, de ton petit frère Louis, de tes grands-parents, et leurs parents et grands-parents et toute cette lignée... Ce fut pour moi une émotion indescriptible. Une joie intense, pleine, profonde.
Comme si, ce faisant, je t'avais rendu plus "vivant", que j'avais prouvé ta "réalité généalogique".
Comme si je t'avais restitué un peu de cette existence que la guerre t'avait volée, engloutie dans la boue des tranchées du Mort-Homme, dans la Meuse, le 29 avril 1916.
Parce qu'un être ne meurt vraiment que lorsqu'il n'y a plus personne pour se souvenir de lui...
Au-delà de l'absence, du silence dans lequel ta famille endeuillée t'avait plongé, n'ayant d'autre sépulture où se recueillir que des champs meurtris jusqu'à l'horizon...
Au delà de toute cette ombre, je te rends à la lumière, toi, François Constant Marie D.
Et je suis fière que tu sois mon arrière-grand-père.